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Soledad Z.Ortiz
Soledad Z.Ortiz
Je viens tout juste d'avoir : 25 Mon quartier, c'est : Gracia y Poble nou.
Et pour essayer de gagner ma vie, je fais : Fleuriste au LadyFlor.
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Date d'inscription : 04/03/2022
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(In a gentle way, you can shake the world)
Black-out. L'obscurité dans la lumière, la nuit en plein jour, les étoiles dans la tête, le soleil sur le visage. Paradoxe entre songe et réalité puis ce rappel de l'existence du jour. Une main, tendre et affectueuse, déposée chaleureusement sur la tienne, glacée. Une présence qui secoue ton corps d'un premier spasme. Un sursaut qui te grimpe jusqu'au cœur, qui agite tes sens et les met aussitôt en éveil, les seuls qui te reste. Tout va bien. Tu n'en doutes pas un instant. La voix mielleuse de cette jeune fille t'apaises, et te rappelle parfois l'innocence et la pureté de cette sœur que tu n'as plus revue depuis plusieurs mois. Comme elle te manque. Les paupières closent, tu attends d'elle qu'elle ôte cette coque rigide pour procéder aux soins infirmiers dont elle est habilitée à t'offrir. Une façon pour toi d'apercevoir un bout de jour, de ce soleil chaud espagnol et ses rayons qui traversent la pièce par delà la fenêtre. Immobile, en bonne statue de cire, tu te plies au protocole et aux différentes étapes de désinfection des marques et hématomes en guise de poches sous tes deux yeux clairs. Elle sourit. Te Complimente. Elle, cette petite poupée blonde comme les blés, douce et bienveillante. Dans ta maladresse, tu tentes d'esquisser un sourire, léger, aussi fugace qu'une brise printanière qui te chatouillerait le bout du nez. Vous n'êtes pas du même monde. Tu apprends à vivre avec la fatalité au fil des jours, elle,  l'a côtoie tout les jours. Mieux que quiconque tu le sais, tu n'as aucune conversation. Et la encore, après ses soins, tu la laisses filer sans tenter de t'y accrocher comme une sangsue, histoire d'avoir un peu de compagnie, celle qui te manque terriblement dans ta vie depuis ton départ de Londres, depuis que tu as posé pieds et bagages sur le sol de ce parquet brillant à Barcelone. Tu es seule et pourtant, ce n'est pas ta fatalité. Celle de te réveiller un beau jour dans le brouillard total l'est d'avantage. Il y a cette beauté du rêve et du sommeil, réparateur la plupart du temps qui t'aides à combattre la nuit et les ténèbres avant le lever du soleil. Et ce moment d'éveil, ou ton corps redescend de son nuage, atterri sur la terre ferme et redoute d'ordonner à tes deux yeux de s'ouvrir. Peur que le rêve ne devient cauchemars, que ton plafond blanc ait prit une teinte plus noirâtre, que le monde tout autour de toi n'est plus. Les ténèbres comme seul royaume, qui de gré ou de force, finiront par t'élire reine. Reine noire. Reine sombre. Reine perdue dans l'obscurité. Fatalité d'un mal qui pourtant te ronges depuis tes premiers cris d'enfant.

Elle disparait ta belle infirmière, toujours avec de précieux conseils à te glisser à l'oreille. Elle se veut rassurante, tu ne l'es pas, rassurée. Tu remplaces la coque rigide par une paire de lunettes de soleil. La panoplie de l'aveugle par excellence. Tu ne l'es pourtant pas encore, seule ta vision périphérique l'est. La solitude revient te peser quand elle claque la porte derrière son passage. Le silence devient lourd, insupportable. Etrange pour quelqu'un qui pourtant déteste les bains de foule. Le jour t'attires malgré lui, les accents étrangers et les locaux t'interpelles. L'envie prend le dessus sur l'angoisse, quand du haut de ta tour , tu observes, yeux plissés, le monde sous tes pieds. Sortir serait risqué, pour toi, pour les autres. Le danger rôde à l'extérieur et tu es déconseillé de sortie sans accompagnateur qualifié pour te tenir un bras ou une main. Tu n'es pas aveugle. Pas encore. Tes deux jambes, elles, sont capables de te guider partout ou tu le souhaites. Alors, à quoi bon rester enfermée à l'intérieur quand le monde extérieur peut t'offrir plus beau encore qu'une vision de rêve qui te plaît et te fascine dans ton subconscient? Il ne te faut que quelques minutes pour enfiler une veste, attraper un sac à main dont la bretelle finirait autour de ton épaule et te mettre en route.

La peur demeure. Dehors, l'air est frais, l'Hiver est encore la à Barcelone. Il n'empêche pourtant pas à sa population de se mouvoir et de profiter du soleil et de sa chaleur timide, et de ce ciel d'un bleu ravissant. Différent du climat Londonien, tu apprécies les balades espagnoles, et tu t'es juré qu'avant la cécité, tu visiterais le maximum de choses dans cette fantastique ville. Il y a tant à voir, tant à découvrir. Lentement tu inspires l'air frais. Agréablement, il pénètre à l'intérieur de tes deux narines, nourri tes poumons et les rempli d'un oxygène plus ou moins pur. Rapidement expiré, tu attends le relâchement de ta cage thoracique pour entamer un premier pas, puis un second, avant le début d'une marche timide qui t'engouffre dans le quartier ou tu vis depuis plusieurs mois. Ton regard se focalise sur le centre, tu ne cherches pas à voir les "contours" et ce qui peut se passer la ou tu n'as aucune visibilité. Source d'angoisse, tu regardes à l'horizon, femmes et enfants, hommes et femmes amoureux, mains dans la mains, guillerets, sourires aux lèvres.  Le monde est beau, tu oses l'espérer. Garder foi en l'humanité est une chose que tu t'entêtes de conserver précieusement en toi, malgré la méfiance envers certains. Tu es méfiante, c'est une réalité et tu le seras certainement d'avantage quand tes deux yeux n'y verront plus rien et que le seul sens auquel tu devras te fier resteras l'ouïe. Méfiance est mère de sûreté. Grâce à elle, tu sais que tu t'en sortiras dans la vie, ou du moins, tu essayeras.

Pourtant parfois, les apparences sont trompeuses et même le plus innocent et banal des individus que tes yeux ont pût vaguement apercevoir à l'horizon, peut devenir rapidement l'homme le plus malsain et pervers sur terre. Il arrive à ta hauteur, file sur ta périphérie gauche, te bouscule non sans violence. Une grimace étire les traits de ton visage, les yeux plissés de derrière tes lunettes, tu tentes un début d'excuse dans la langue du pays, rapidement interrompu par cette bretelle arrachée de ton épaule, le sac qui glisse un peu trop vite, un peu trop fort et qui disparaît dans les mains du malotru qui, lui , commence à fuir à toute enjambée. L'homme s'efface comme un mirage de ta tête et ton regard, tu ne te souviens déjà plus de son visage, ni même ce à quoi il ressemble. Tu ne t'es pas attardé sur lui, il n'était qu'un de plus de passage. Tu aurais du pourtant, jolie Sophie. L'homme court au loin, et la peur déjà présente en toi ,mais endormie jusqu'à présent, s'éveille elle aussi brutalement. Tétanisée, figée, les pieds enfoncés dans le bitume, tu paniques. Ta vision devient floue, centrale et périphérique, tu ne contrôle plus rien. Tes repères dans l'espace, tes deux mains qui cherchent la présence de quelqu'un à côté. La panique qui te rend aveugle. La panique qui t'arraches toute lucidité et contrôle de la situation. «H-help..» Tu murmures presque trop bas, la voix étranglée par des sanglots, la voix engloutie par l'angoisse. Autour de toi pourtant, le monde poursuit son temps, aucun ne semble être en mesure, ou surtout n'ait l'envie, de te venir en aide. Seule et désemparée, tu te sais capable d'apaiser tes craintes, mais encore faut-il que tu puisses remettre la main sur ton sac, propriétaire de ta vie Londonienne, de ton identité et de quelques photos souvenirs de famille que tu chérie de tout ton être en attendant de pouvoir serrer à nouveau ses membres dans tes bras.
 

( Pando )
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