(estalone) looking straight ahead.

Un jour froid et nuageux se lève à Barcelone. temps idéal pour errer dans les rues sans se poser la question de l'affluence des barcelonais dans les parages. Si la dizaine de degrès refroidit la plupart des Catalans, ce n'est certainement pas ton cas. Levé dès l'aurore, un crayon en main, tu as commencé à gribouiller sur le papier avec une paire d'écouteurs dans les oreilles et une tasse de café noir encore fumante non loin.  L'inspiration pour l'illustration de ton futur bouquin, tu la cherches encore malgré toi et les nombreuses boules de papier froissées dans la poubelle au coin droit de la pièce laisse à penser que ta concentration n'est pas à son maximum.  La feuille que tu gribouilles subira le même sort quelques secondes plus tard après un énième râlement sorti d'entre ta mâchoire serrée.  Tu fulmines intérieurement et balance négligement les écouteurs sur le bureau pour te déconnecter de ce qui, de base, devait être une bulle salvatrice pour toi.  La pression de l'éditeur tu l'as depuis plusieurs semaines et bien que tu parviens à lui sortir le même baratin depuis le jour ou il t'as demandé si tes dessins étaient au point, tu peines malgré toi à pondre quelque chose qui pourrait te convenir et te plaire avant le reste. Il faut dire que la présence de Nieves dans un coin de ta tête ne t'aide pas franchement à gérer le côté professionnel de ta vie.  Ensorceleuse. En un soupire, tu jettes ta tête en arrière, chute amortie par tes deux mains jointes à ta nuque et tu observes, dans un silence qui en dit long, le plafond immaculé par dessus. Tu as cette foutue impression de ne plus te reconnaître ses derniers temps, à ne plus autant sortir, à ne plus autant profiter de la vie comme tu as pûs le faire jusqu'alors. Peut-être la peur de la revoir à nouveau et de devoir affronter son regard accusateur et ses nombreuses fugues dès que vos yeux se croisent. Peut-être parce qu'elle te rappelles aussi l'être infâme que tu as été à Medellin et de cette vie précieuse que tu as ôté et qui, pour elle, représentait tout son monde. Un père. Le premier homme de sa vie.  Elle a tout perdu. Tu as tout perdu ce soir la, à commencer par l'espoir d'avoir cette vie parfaite dont tu rêvais secrétement loin du miteux quartier dans lequel tu as grandit. Un secret que tu préserves encore à ce jour et qui ne regarde que toi et tes nombreux instants de méditation.

Ce qui a été fait est fait et tu ne pourras, malheureusement, pas revenir en arrière. Aujourd'hui, celle qui a sût t'apprivoiser auparavant te déteste plus qu'elle ne t'aimes et l'entendre te cracher sa haine est certainement la plus dure des punitions.Vivre ou survivre est ce que tu fais le mieux, seul ou accompagné. Bien que la solitude est certainement la chose qui te plais le plus à l'heure actuelle, quand à l'époque tu préférais la présence de ceux qui étaient tes plus fidèles amis et alliés. Te lamenter ne servirait à rien, alors, après quelques minutes de silence et d'immobilisation sur cette chaise de bureau, tu te décides enfin à bouger, te rafraîchir pour ensuite partir affronter le froid hivernal extérieur. Les deux mains fourrées dans les poches, avec ce vent glacial qui te fouette le visage et fait plisser tes yeux, tu t'arrêtes jusqu'à un espèce de bar qui ont l'habitude dès la bonne heure à servir les malheureux clients paumés comme toi. T'enivrer de caféine est certainement le meilleur plan que tu as ce matin après cette tasse qui t'as, à de multiples reprises, fait grimacer, au vu de l'amerture du liquide dans lequel tu n'as même pas prit soin de déposer un carré de sucre ou une pointe de lait pour l'adoucir. A peine entré dans les lieux que tu active ton sens olfactif pour trouver l'endroit ou coule ton précieux breuvage pour t'en délecter comme un addict en manque. D'abord appuyé contre le comptoir du bar, tu finis par poser ton derrière sur l'un de ses beaux tabourets en cuir pour interpeller le barman. «Un expresso por fav-...» Ta voix disparaît aussi rapidement que la surprise de tomber nez à nez avec cet homme d'à peine quelques années ton cadet. Son expression en dit long sur sa surprise de te voir à des kilomètres de son véritable lieu d'habitation et tu songes à cet instant être en plein cauchemars quand ce même garçon face à toi est en réalité le petit frère de celle que tu n'as jamais pus oublier véritablement et qui aujourd'hui encore te rappelles qu'une vie à deux aurait pût être ta plus belle réussite si seulement tu n'aurais pas tenu entre tes deux mains une arme à feu capable d'anéantir jusqu'à ta vie même. «Mec.. Qu'est-ce que tu fous la?» Tu tentes l'esquisse d'un sourire bien qu'intérieurement tu sens comme une torsion douloureuse au sein de ton abdomen qui te rappelles que tu ne rêves pas et que tu es bel et bien dans un merdier monumental. Quel pourcentage de chance pourrait-il y avoir que le petit frère de Nieves l'ait suivi jusqu'à Barcelone alors que tu le pensais finir ses vieux jours en Colombie ? 0% ta tête te souffle, 99% te rappelles la raison. Famille unie que tu n'as jamais eu, tu te remet le passé dans la tête et toutes les conneries que tu as pus faire avec ce gamin que tu cherchais à préserver malgré tout histoire de te donner une image plus propre aux yeux de ta petite amie de l'époque.  «Pour une surprise!» C'est une sacrée surprise. Ton sourire ne disparaît pas de ta bouche, bien que crispé tu tentes, tant bien que mal de maintenir un certain naturel. Celui d'un Malone confiant comme il l'a toujours été depuis son arrivée à Barcelone, ceux que bien des gens ont connus et celui que tu t'entêtes d'être pour dissimuler une réelle peur que le passé te rattrapes un jour comme il en train de le faire présentement quand tes plus précieuses connaissances de Médellin ont décidées de venir foutre la merde dans ta vie à Barcelone.
 

( Pando )